Restructuration du réseau des trésoreries : la perception d’un percepteur

Après la disparition progressive du sous-préfet, c’est l’image d’un autre classique de l’imagerie populaire qui risque d’être sacrifié sur l’autel de la modernité : le percepteur va disparaître, emporté avec la fermeture de sa perception. Mais, contre toute attente, alors que la chose paraissait entendue, le français reste majoritairement attaché à ce service, et en revendique le maintien. Une visite à un percepteur de la France profonde (entendez par la à l’écart des grandes métropoles) nous a paru nécessaire pour en comprendre les raisons, notamment au regard des arguments évoqués par l’administration pour justifier son projet.

Tu as la responsabilité de plusieurs trésoreries en zone dite rurale. En dehors des difficultés inhérentes à cette situation, et au regard de la politique actuelle de Bercy et de la direction générale des finances publiques (DGFIP), es tu inquiet pour l’avenir de ces postes.

Ne nous trompons pas, la seule question à se poser est de savoir si un maillage important du réseau des Finances Publiques est toujours pertinent à l’heure d’Internet. Tout le reste en découle. Or, en France rurale, il existe encore des zones blanches non couvertes par l’ADSL. Certes, le réseau s’étend mais on n’y est pas encore.

Ensuite, malgré les efforts et la qualité du site Internet de la DGFIP (impots.gouv.fr), il ne peut convenir qu’aux usagers qui n’ont pas de problèmes. Or l’activité de notre administration s’adresse à tous les résidents en France (français ou étrangers). En milieu rural la difficulté venant des distances à parcourir pour se rendre à son centre des Finances Publiques, il faut donc un maillage suffisamment serré pour pouvoir toucher toute la population, y compris celle en difficulté.

Concomitamment, on assiste à une réduction des horaires et jours d’ouverture au public dans ces « grands » centres.

Dans mon département, trois Trésoreries devaient être initialement fermées fin 2015. Grâce à la mobilisation des personnels avec leur syndicat, mais aussi des élus et de la population, une a pu être sauvée mais deux (dont une de celles à ma charge) fermeront leurs portes au 31 décembre.

Pour celle qui a été sauvée, l’administration devait économiser moins de 10.000 euros par an (tout compris). L’argument économique est donc dérisoire.

Comment la population voit elle, chez toi, dans ton département, la disparition de tous ces services, leur éloignement ?

L’argument massue c’est le service à la population. L’administration prétend en effet qu’en regroupant on va offrir un meilleur service. Quand une trésorerie est fermée, on la remplace au mieux par une demi-journée hebdomadaire pendant laquelle un agent viendra perdre son temps dans un local souvent sans liaison informatique où il ne pourra ni renseigner totalement l’usager, ni encaisser de numéraire. Dans mon département, s’apercevant du ridicule de la situation, la direction s’est vue contrainte de doter une de ces permanences de lecteur de cartes bancaires. L’argument de l’amélioration de service confine là à l’absurde. On explique que pour mieux servir la population on ferme un vrai service pour le remplacer par une présence dégradée et sans moyens.

Ces fermetures envisagées répondent elles à une réelle politique de redéploiment, ou à des arrières pensées moins « avouables » ?

En réalité l’administration ne veut plus voir personne au guichet et fait tout pour en éloigner les usagers. Un de ses arguments, écrit, vérifié, vérifiable et apparemment assumé est : il faut désintoxiquer le redevable de l’accueil physique !!!

Pour la gestion publique proprement dite (gestion des budgets des collectivités), la proximité est elle réellement un atout ? la DGFIP met souvent en avant les progrès de la dématérialisation.

La gestion de la comptabilité des collectivités locales occupe en effet une grande place, et beaucoup de temps dans notre travail. Si la dématérialisation représente un réel atout et permet de fournir des services nouveaux et attendus aux élus et à la population, elle ne remplace pas le nécessaire contact permanent avec les collectivités. Cette mission de conseil est mise en avant, avec raison, par la DGFIP. Or sa politique de suppression d’emplois et de fermeture de sites conduit, là aussi, à une dégradation de la mission.

L’intercommunalité, souvent mise en avant pour justifier ces fermetures est elle pour toi un argument valable ?

La loi NOTRé (Nouvelle organisation territoriale de la République), pour ne citer qu’elle, a aussi bien sur des conséquences. En milieu rural, son application conduit les préfets à envisager de vastes intercommunalités. Dans mon département, il n’en resterait que 6 contre plus de 20 il y a 5 ans. Si la carte des trésoreries suit comme la DGFIP l’envisage une nouvelle réorganisation/fusion des communautés, le réseau rural disparaîtra totalement.

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