Flux tendu et « zéro stock »

Le flux tendu et le « zéro stock » qui s’est généralisé ces dernières décennies de l’industrie (automobile) aux services privés et publics atteignant même le service public hospitalier, est un mode néfaste d’organisation de la production, voire même criminel.

Apparu au Japon après la seconde guerre mondiale, cette organisation vise principalement à réduire, voire supprimer, les stocks à toutes les étapes de la production.
Cette méthode fut inventée et mise en œuvre chez Toyota (d’où le surnom de toyotisme). Le patron mis une décennie à l’imposer, car elle dégrade les conditions de travail (augmentation des cadences, polyvalence à la demande, mise en concurrence, endoctrinement).

Même si l’intégralité de la méthode ne s’est pas diffusée, le principe de zéro stock s’est, lui, largement diffusé : « lean manufacturing », « lean management » en sont les déclinaisons actuelles.

Lean= maigre : il s’agit de « dégraisser » sans cesse !

Cela a des conséquences terribles sur les conditions de travail, sur nos conditions de vie et sur l’environnement.

Sur les conditions de travail : les moyens pour répondre aux besoins sont calculés au plus juste. Il s’agit en temps normal que la charge de travail soit au maximum, sans se soucier des périodes de pointes qui devront être absorbées au détriment de la santé des travailleurs et de la qualité du travail fait. Ainsi aux Finances de nombreux services sont structurellement sous-dimensionnés. Les périodes de pointes d’activité sont donc de plus en plus fréquentes voire quasi permanentes.
La polyvalence est imposée, non pour enrichir le travail, mais pour répondre aux besoins supplémentaires sans moyen supplémentaire. Il s’agit d’être multitâche afin d’occuper plusieurs postes de travail simultanément, alors même que le travail est de plus en plus standardisé, normé.
La mise en concurrence des salariés est sciemment encouragée, afin d’entraîner une accélération auto alimentée de la cadence et la mise à l’écart des moins « productifs » : individualisation de la rémunération, de l’évolution de carrière, mise en insécurité professionnelle (arbitraire dans la gestion du personnel, mobilité forcée) sont les outils mis en œuvres dans cet objectif.

Sur l’environnement : le zéro stock démultiplie les flux de marchandises en tout sens, le stock est sur la route, représentant ainsi une aberration écologique dénoncée depuis des années.

Cette chasse généralisée aux stocks que ce soit dans le public ou le privé a pour ultime conséquence la rupture d’approvisionnement et donc la pénurie.
Tant qu’il s’agit de consoles de jeux vidéo, ce n’est pas dramatique pour tout le monde. Mais quand il s’agit de médicaments, de protection sanitaire ou de places dans les hôpitaux, cela révèle le caractère mortifère de ce système.
Ces problèmes ne sont pas apparus avec la crise sanitaire actuelle : depuis une dizaine d’années, les pénuries de médicaments se multiplient : 44 cas en 2008, 173 en 2012, 438 en 2014, 538 en 2017 plus de 1000 en 2019.
Un quart des patients en France a été confronté à une pénurie avant la crise actuelle.
Et il ne s’agit pas de paracétamol comme veut nous le faire croire Macron, mais d’anticancéreux, d’antibiotiques, d’antihypertenseurs.
La situation est tellement grave qu’Agnès Buzyn a présenté une feuille de route pour lutter contre les pénuries en juillet 2019. Mais l’industrie pharmaceutique freine des quatre fers.

Le manque de place à l’hôpital est structurel. Ainsi en 2019, des patients en réanimation ont été expédiés à des centaines de kilomètres de leur domicile car les services étaient saturés. Il s’agissait de nourrissons touchés par l’épidémie de bronchiolite.
Comment s’étonner de cette situation alors que les gouvernements successifs ont fermés des dizaines de milliers de lits parce qu’ils ne supportent pas de lits vides. C’est pour ça que Macron non seulement n’ouvre pas de lits supplémentaires mais a continué à en supprimer cet été.

Ainsi, les rapports se sont accumulés ces dernières années pour vérifier que les objectifs de taux d’occupation étaient remplis. S’agissait-il de veiller à ce qu’il reste une marge de sécurité ?
Bien sûr que non !
Alors que les taux oscillent entre 80% et 90% dans le public, les cliniques privées sont citées en modèle car leurs taux dépassent allègrement les 90%.

Le zéro stock n’est pas une anomalie du système de production capitaliste mais l’aboutissement de sa logique même. Dans la production marchande, le but du producteur c’est l’échange. Dans la société capitaliste, le profit devient le but et la marchandise n’est que le véhicule du profit.

Le capitaliste doit donc compresser au maximum le temps pendant lequel il se retrouve avec sa marchandise sur les bras. Cette logique nuisible s’est diffusée à tous les secteurs privés comme publics pour aboutir à la situation d’aujourd’hui.

Que faire ?

  • Mettre en place un plan négocié entre l’État, les organisations syndicales et patronales et les collectivités territoriales afin de permettre rapidement la re-localisation d’activités stratégiques tout en repensant notre organisation de la chaîne de production, sans mise en concurrence entre territoires au niveau du pays et de l’Europe.
  • Travailler en filière industrielle à tous les niveaux du pays et européen, pour aller vers une logique de coopération et de complémentarité entre régions et territoires, en s’appuyant sur des modes de gouvernance de types groupements d’intérêt économique, coopératives.
  • Implanter des services publics sur l’ensemble du territoire pour garantir l’aménagement et le développement des infrastructures utiles à la reconquête industrielle.
  • Permettre une véritable planification de nos besoins, impulsée par un État stratège et développeur et mise en musique par un ministère de l’Industrie. Les circuits courts seront favorisés entre productions et réponses aux besoins, limitant les flux mondiaux de transport et développant l’emploi qualifié et la rémunération du travail à sa juste valeur.
  • Gagner l’appropriation sociale de certaines activités, notamment celles de santé autour du matériel médical et du médicament, mais aussi la distribution et fabrication de matériel pour l’eau, l’énergie, ainsi que des entreprises de transport ferroviaire facteur de localisation industrielle.
  • Développer une politique de recherche et d’innovation et augmenter les financements pour atteindre les 3 % de PIB avec un contrôle des aides publiques.
  • Obliger à une relation permanente entre donneurs d’ordre et sous-traitants en s’appuyant sur le tissu industriel existant et en réaffectant des volumes de production dans les usines en France, tel que le porte le projet de loi des GM&S.
  • Mettre en place une politique de transition énergétique solide afin de mobiliser toutes les énergies non polluantes et maîtriser les tarifs.
  • Gagner l’intervention des travailleurs dans la direction des entreprises : que produire, comment et pourquoi ?

Montreuil, le 14 octobre 2020

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