LOLF : dernières étapes avant l’arrivée ?

La loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1er août 2001 va s’appliquer pleinement pour le budget de l’Etat de l’année 2006.
Les travaux préparatoires s’accélèrent et s’intensifient.
Que cela soit à l’Assemblée Nationale, au ministère de la Fonction publique ou au MINEFI, les études, les notes techniques se multiplient et permettent d’y voir un peu plus clair, tant sur les objectifs poursuivis que sur les conséquences au regard de la gestion des personnels.

Le débat n’est pas clos

En janvier 2003, la Commission des Finances de l’Assemblée Nationale a créé une « Mission d’information sur la mise en œuvre de la loi organique » composée d’un député par groupe parlementaire.
Cette mission a produit en 2004 un rapport qui portait essentiellement sur le découpage du budget en programmes.

Le rapport daté du 16 mars 2005 porte cette fois sur « une première analyse » du « dispositif de performance » prévu par la LOLF à partir des projets et rapports annuels de performance qui devront accompagner chacun des programmes.

Pour préparer le basculement du 1er janvier 2006, le budget de l’Etat 2005 a été présenté dans la configuration conforme à l’ordonnance de 1959 et, sous forme de maquette grandeur nature, dans la configuration imposée par la LOLF.

C’est à partir de cette maquette que la mission d’information a procédé à son étude très détaillée qui porte sur chacun des 132 programmes accompagnés de 672 « objectifs » et de 1 327 indicateurs.
Les rapporteurs livrent aussi quelques considérations générales.
Ils affirment d’abord que la « LOLF n’est porteuse d’aucune idéologie politique, si ce n’est celle, partagée par tous, d’une plus grande efficacité de l’action publique ».

Est-ce aussi simple ?

Peut-être serait-il prudent de s’entendre sur le sens du mot « efficacité » comme sur ce que l’on comprend par « action publique ».
Le débat engagé au sein de la Commission des Finances, suite à la présentation du rapport, montre qu’effectivement, tout n’est pas simple.
Ainsi, le Président de la Commission – M. MEHAIGNERIE – déclare : « Au moment où le pouvoir d’achat est une préoccupation importante pour nos concitoyens, il est impératif de trouver et de dégager des marges de productivité afin de simplifier la vie des français ».

Dans le cours du débat, un autre membre de la Commission, mais aussi de la mission d’information – M. J.-P. BRARD – affirme que de son point de vue, l’objectif de la LOLF « n’est pas la recherche d’économies budgétaires en soi ou la régulation des crédits (…). Si les marges de productivité peuvent être dégagées, elles doivent constituer un objectif second par rapport à la finalité essentielle de la LOLF ».

Le rapporteur général de la Commission des finances - M. G. CARREZ - considère que « S’agissant des orientations stratégiques, force est de constater, comme le font les rapporteurs, que la réflexion est jusqu’ici insuffisante. Le projet manque à l’évidence de vision politique ». Mais relève aussi que « l’objectif de stabilisation des dépenses de l’Etat que s’est fixé l’actuelle majorité a déjà permis de faire beaucoup de progrès en la matière ».

Sur ce sujet comme sur celui de l’impact de la LOLF sur le périmètre, la structuration et le fonctionnement des administrations publiques d’Etat la question est complexe, la transparence pas à l’ordre du jour.
Ainsi un membre de la Commission des finances – M. C. DE COURSON – déclare t il franchement « Tout n’a peut être pas été dit dans le rapport de la Mission d’information afin notamment de ne pas trop critiquer les administrations confrontées à des réformes d’une telle importance ».
Le rapporteur général de la Commission des Finances – M. G. CARREZ – a indiqué « (…) que l’Etat n’avait pas encore l’obligation de définir sa stratégie (…) et la difficulté tient aux enjeux structurels de la réforme de ses services ».

Plus direct, un autre membre de la Commission des Finances – M. D. MIGAUD – déclare : « Une évolution des structures gouvernementales et administratives découlera certainement de la mise en œuvre de la loi organique, mais il ne s’agissait pas d’un préalable à la réforme, car sinon elle n’aura jamais lieu (…). Lorsque l’on verra que des directions sont complètements inadaptées aux objectifs et aux programmes, on en tirera les conséquences ».

En clair, on savait bien que la LOLF aurait une incidence directe sur le périmètre et l’organisation des administrations publiques d’Etat dans l’ensemble des Ministères mais il ne fallait surtout pas le dire avant car on aurait eu du mal à faire voter la loi et de toute façon quoi qu’il arrive, il y aura bien restructuration.

A ce stade, on se permettra d’observer que telle n’est pas notre conception du débat public et de la démocratie politique et sociale.
On l’a dit, la mission d’information sur la mise en œuvre de la LOLF a examiné, à partir de la maquette 2005, chacun des programmes.
L’un de ces programmes dépendant de la mission « Gestion et contrôle des finances publiques » s’intitule « Gestion fiscale et financière de l’Etat et du secteur public local ».

Ce programme regroupe la DGI, une grande partie de la Douane, le Trésor et le service des Pensions.

Que dit la mission à propos de ce programme ?

Tout d’abord ceci : « L’importance de ce programme s’explique par la contrainte liée au contexte social du MINEFI, encore marqué par l’échec de la réforme Mission 2003 ». Au moins aussi intéressant : la mission « (…) avait suggéré de le scinder [ce programme] en deux programmes, l’un destiné à la fiscalité et l’autre à la gestion comptable, mais ses membres ont été sensibles aux arguments avancés par le MINEFI, qui fait état de l’accord des syndicats sur un programme unique ».

Cet extrait du rapport mérite qu’on s’y arrête quelques instants.
D’abord pour constater que, contrairement à une idée largement répandue, l’intervention des organisations syndicales et des personnels produit des effets, y compris dans les instances où les décisions se prennent.

Ensuite pour noter que, s’agissant du périmètre des programmes, et après relecture du rapport de la mission, c’est le seul cas où sont évoqués le « contexte social » et les « syndicats » comme éléments pris en compte dans la décision prise.

Et la performance ?

Pour en revenir au choix fait par la mission de concentrer son attention sur la notion de performance dans la maquette du budget 2005 version LOLF, visiblement l’enthousiasme n’est pas au rendez vous et l’inquiétude pointe.

La mission d’information l’assène avec force et sans nuance : « la mesure de la performance est pour le parlement un élément essentiel du dispositif LOLF ».

Elle rappelle qu’elle avait déjà écrit dans son précédent rapport (28 avril 2004) que « les programmes n’ont pas été créés (…) pour assurer le confort budgétaire des structures administratives » .
Certes, le « constat dressé par la Mission d’information est globalement positif » (sic), mais il faut « qu’un certain nombre d’incertitudes soient levées ».

Une première incertitude, et pas des moindres : de quelle performance parle-t-on dans les projets annuels de performance (PAP) qui doivent accompagner chacun des programmes ?

La mission d’information pose alors la question qu’elle juge « fondamentale » et « à laquelle aucune réponse claire n’a encore été apportée » : « s’agit-il, par ce dispositif de performance, de mesurer la performance des politiques publiques ou la performance de leur mise en œuvre ».

Voilà une question qui, effectivement paraît « fondamentale » mais à propos de laquelle la mission d’information n’hésite pas à formuler une réponse claire et nette : « le dispositif de performance à vocation à mesurer à la fois l’efficacité des politiques et celles des administrations dans leur mise en œuvre ».

Ce serait donc par un choix approprié des objectifs qu’on parviendrait à distinguer la performance des administrations (objectifs de qualité de service et d’efficience de la gestion) de celle des politiques publiques (objectifs d’efficacité socio-économique).

On s’autorisera à douter de la faisabilité d’une telle distinction.
Ce doute effleure d’ailleurs les rapporteurs de la mission d’information qui se croient tenus de préciser que « le dispositif de performance n’a pas vocation à se substituer au jugement politique » et que « le responsable de programme n’a pas vocation (…) à se substituer au ministre, seul à même d’assumer une responsabilité politique ».

Cela étant réglé (?), la mission ne cache pas son impatience, pour elle il est « indispensable (…) que cette culture de la performance se diffuse le plus rapidement au sein des administrations ».
Ce n’est pas gagné car pour le choix des objectifs et des indicateurs « les administrations déconcentrées ont été très insuffisamment associées (…) ».

C’est encore moins gagné que dans la maquette LOLF du budget 2005 sur 132 programmes, on ne compte que 119 projets annuels de performance disponibles.

La mission d’information relève que sur ces 119 projets annuels de performance « seuls 87 proposaient une stratégie, ou du moins ce qu’ils considéraient comme telle » et se désole : « la réflexion sur les stratégies de performance est aujourd’hui très insuffisante ».

Les rapporteurs considèrent que s’il y a faiblesse sur les stratégies, cette dernièrese retrouve dans les objectifs et leur choix : « une place plus grande doit être faite aux objectifs d’efficience, c’est-à-dire ceux visant une plus grande productivité de l’administration ».

La mission d’information considère qu’il doit y avoir trois catégories d’indicateurs correspondant aux trois catégories d’objectifs : efficacité socio-économique, qualité de service et efficience de la gestion.
Si, selon la mission, il doit y avoir recherche d’un « équilibre satisfaisant entre les trois types de bons indicateurs », il faut cependant augmenter « la part des objectifs d’efficience » c’est à dire ceux liés à la productivité des services et administrations.

Sommes-nous encore en phase avec ce qu’a déclaré une membre de la mission lors du débat au sein de la Commission des Finances : « (…) si des marges de productivité peuvent être dégagées, elles doivent constituer un objectif second par rapport à la finalité essentielle de la LOLF (…) » ?

Notons enfin que les membres de la mission d’information sur la mise en œuvre de la LOLF ne paraissent pas tout à fait convaincus de la réelle volonté des administrations et de leur responsables en la matière.

Cette inquiétude pointe à plusieurs reprises dans leur rapport. Ainsi on peut lire qu’à défaut d’objectifs stratégiques « (…) on risque d’assister à la création d’une superstructure lolfique pour reprendre une expression déjà utilisée par M. Philippe Seguin, déconnectée de la réalité administrative et exclusivement destinée au Parlement ».

Il est aussi noté que « (…) le choix des budget opérationnels de programme a pris un léger retard qui doit très rapidement être rattrapé ».

Effectivement, les budgets opérationnels devaient être prêts en février de cette année, le délai a été repoussé en juin.
La mission ajoute que sans la mise en œuvre de « dispositifs de performance », la LOLF « risque d’être réduite à un vernis à l’intention du Parlement ».

Enfin, la mission cite la Cour des comptes et partage son point de vue : « il faut lutter contre la tentation d’adopter la LOLF au mode de fonctionnement actuel des administrations et non l’inverse ».

***

Nous sommes bien, contrairement à ce que pourrait laisser penser la tonalité générale du rapport, à sept mois seulement (1er janvier 2006) de la pleine application de la LOLF.
Malgré cette échéance très proche, le débat sur des questions de fond continue et prospère.

Il ne fait aucun doute que l’avancement des travaux relatifs à la mise en place des budgets opérationnels de programme (BOP), aux modalités de décompte et de gestion des emplois, aux modes de régulation des avancement de grade entretiendront la confrontation entre les partisans d’une LOLF au service de l’efficacité administrative et ceux la concevant comme l’instrument d’une austérité budgétaire associée à une gestion à l’anglo-saxonne.

L’annonce (Les Echos du 6.4.2005) d’une rémunération à la performance, c’est-à-dire en fait au mérite, des responsables de programme montre qu’aujourd’hui dominent les ultra-libéraux.

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